La bourse, dotée de 20 000 francs, est remise pour la cinquième fois consécutive par la Commission francophone des affaires culturelles générales du canton de Berne (CFACG). Elle doit permettre à des artistes du canton de Berne d’élaborer des projets collaboratifs entre la Berne francophone et une autre région.
Parmi les vingt dossiers qui lui ont été adressés, le jury a retenu le projet intitulé « ThREE » de la chorégraphe et danseuse Stefanie Inhelder. L’artiste conçoit une œuvre scénique à partir de la vie de son arrière-grand-mère qui était une nyai, le nom donné aux femmes achetées par des colons en Asie du Sud-Est. Mariée à Sumatra au début du XXe siècle à un Suisse qui lui a enlevé ses trois fils, elle s’est vu ensuite imposer la présence d’une nouvelle épouse.
Collaboration de quatre artistes
Pour la pièce, Stefanie Inhelder s’associe avec la danseuse d’origine taïwanaise Kuan-Ling Tsai, qui vit et travaille à Zurich. Ensemble, elles font revivre le passé pour l’inscrire dans le présent en instaurant un dialogue des corps entre deux femmes, l’une blanche, l’autre de couleur ; l’une européenne, l’autre asiatique ; l’une ordinaire, l’autre exotique ; l’une privilégiée, l’autre défavorisée, à la recherche de l’être humain vibrant à l’intérieur du corps féminin. L’identité physique se retrouve ainsi au cœur de leur interprétation. La chorégraphe Stefanie Inhelder et le compositeur parisien Javier Munoz Bravo prévoient en outre de collaborer avec la scénographe française Valentine Losseau pour élaborer un nouveau langage scénique. Grâce à l’intelligence artificielle et à des capteurs de mouvement, ils feront interagir le son, l’image et le corps en temps réel.
Le jury a été particulièrement convaincu par la densité thématique du projet de Stefanie Inhelder, notamment l’interrogation que son œuvre artistique pose sur le colonialisme, le genre et l’identité physique. Il a également salué la recherche approfondie sur le langage corporel et le vocabulaire scénique constitutifs de l’œuvre.
Stefanie Inhelder vit à Bienne. Elle a étudié le théâtre physique auprès de Jacques Lecoq et a suivi à Bienne la filière musique/mouvement à la Haute école des arts de Berne (HKB). En tant que fondatrice de la compagnie Stradini Theater, elle a créé trois productions et deux reprises. Depuis 2015, la compagnie a joué plus de 120 spectacles, interprétant diverses pièces de danse et théâtre, notamment de Philippe Boë, d’Anna Heinimann, de Karin Hermes et de Louis Spagna.
Kuan Ling Tsai vit à Zurich. Elle a étudié la danse contemporaine à l’université nationale des arts de Taipei. Depuis 2005, elle travaille entre Zurich, Taipei et New York en tant que danseuse et mannequin et se produit dans différents festivals et institutions tels que la Schauspielhaus de Zurich ou Zurich Tanz. Elle est également active au sein de nombreuses compagnies de danse, notamment ZeitSprung de Zurich et AnarchyDance Theater de Taipei.
Valentine Losseau vit à Rouen. Elle est magicienne, dramaturge, metteuse en scène et anthropologue. Titulaire d’un doctorat en anthropologie de l’École des hautes études en sciences sociales de Paris, elle a écrit pour des compagnies telles que la Cie 14:20 ou Monstre(s) d’Etienne Saglio. En 2016, elle a signé l’installation Anima à l’Invisible Dog Art Center de New York et en 2017 la conférence-spectacle Réflexions sur la croyance. En 2018, elle a adapté le Faust de Goethe à la Comédie-Française.
Javier Munoz Bravo vit à Paris. Il est titulaire d’un master en composition de la Haute école des arts du Rhin à Strasbourg et de la Haute école de musique de Genève. Il a suivi le cursus en composition et en informatique musicale de l’IRCAM à Paris. Il a notamment créé des œuvres pour le festival Musica à Strasbourg, le Printemps des Arts de Monte-Carlo et Archipel à Genève. Il compose en outre pour des ensembles musicaux tels que Multilatérale, Vortex, Geneva Camerata (avec l’actrice Isabelle Adjani) et l’orchestre de la HEM de Genève.
Précédent∙e∙s lauréat∙e∙s de la bourse « ICI & AILLEURS »
La bourse « ICI & AILLEURS » a distingué l’artiste visuelle Mingjun Luo en 2017, le musicien et plasticien Laurent Güdel en 2018, le duo Butterland en 2019, ainsi que l’écrivaine Myriam Wahli et le musicien Robert Torche en 2020.
La prochaine mise au concours aura lieu au printemps 2022.